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« J’ai créé un modèle coopératif sur ma ferme »

Christian Hubert a fait construire un bâtiment pour stocker et préparer les commandes.

Christian Hubert a fédéré une trentaine de producteurs voisins pour ouvrir des débouchés à leurs cultures.

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Christian Hubert, agriculteur dans les Yvelines, a fait ses premiers pas dans la transformation de ses cultures en 2005. À l’époque, il cultivait blé, maïs et orge. « J’en avais marre de produire des cultures en grandes quantités, vendues à petits prix, pour les envoyer à l’autre bout du monde », raconte-t-il. Il délaisse alors le maïs au profit du colza et achète une petite presse pour le triturer. L’Huilerie Plaine de Versailles est créée. « Je pensais que le débouché alimentaire était saturé. Mon idée était de valoriser l’huile en carburant, mais en France, on n’a jamais eu de fiscalité adaptée pour cela », explique-t-il.

L’agriculteur trouve finalement un débouché dans le BTP, pour fournir des chantiers en huile de démoulage. Un contrat toujours d’actualité, qui représente 50 % de ses volumes. Les tourteaux sont valorisés par des éleveurs. « Grâce à une ouverture fiscale, on a eu le droit de vendre de l’huile de colza en tant que combustible pour alimenter des groupes de cogénération. C’est mon deuxième principal débouché », retrace Christian.

D’une presse de 50 kg/h, l’agriculteur est passé à 100 puis 200 kg/h. « Le but, quand on a un outil, c’est de le saturer », explique-t-il. En plus de son colza, il transforme celui d’une dizaine de voisins, environ 1 800 tonnes de graines par an, soit 400 ha.

Christian est passé en 2010 en agriculture de conservation des sols (ACS). D’abord pour simplifier le travail, il devient ensuite convaincu des bienfaits sur ses sols. Sa curiosité le pousse à s’intéresser à la lentille. Culture de printemps, légumineuse, qui nécessite peu d’intrants, peu malade, et qui résiste bien au sec… Au niveau agronomique, les feux sont au vert. Le bât blesse sur les débouchés. Hors de question pour l’agriculteur de passer ses week-ends sur les marchés, il a plutôt dans l’idée de produire des grandes quantités, vendues à un organisme stockeur. Mais les prix proposés le refroidissent. « Il n’y avait pas d’intérêt économique par rapport à un blé, sachant que le risque est plus important », regrette-t-il.

L'un des derniers investissements de Christian est une structure de stockage de palettes par accumulation. Une navette permet d'amener big bags et palettes du fond vers l'avant. (©  Justine Papin/GFA)

Partenariat avec Sodexo

Il évoque l’idée lors d’une réunion de l’association de la plaine de Versailles, dont il fait partie. Cette dynamique, formée par trois collèges (élus, agriculteurs et société civile), vise à développer durablement son territoire. Il découvre que la lentille intéresse d’autres producteurs. « Nous avons pris des stagiaires qui ont prospecté la restauration collective. Sodexo, avec le conseil départemental des Yvelines, s’est dit intéressé par des grandes quantités, équitables, et avec un engagement sur la durée », décrit Christian.

En 2017, leur premier contrat assuré — pour fournir les collèges des Yvelines — près de 30 agriculteurs de l’association se lancent dans la légumineuse, d’abord sur de petites surfaces. Sodexo a ensuite augmenté les volumes et diversifié ses clients. Les producteurs ont, quant à eux, élargi la gamme avec d’autres lentilles (corail, blonde, noire…), des pois (chiche, vert cassé ou entier), du quinoa, lin, chia, sarrasin, haricot (rouge, blanc)… Le collectif totalise 150 ha de légumineuses.

Les producteurs débutent la vente directe pendant la période du Covid. La ferme de Christian est le centre des opérations. Sa ligne de tri pour le colza sert à prénettoyer les graines. Dans un premier temps, le reste est sous-traité. « Le temps de s’assurer qu’on peut produire, et que les clients se fidélisent, sans quoi on ne pouvait pas se permettre de faire des investissements », rapporte Christian. Désormais, sa ferme est équipée pour stocker, nettoyer, trier ou encore ensacher les graines, de 500 g à 10 kg. De l’huile de colza, cameline et tournesol produite à la ferme est également vendue en direct.

Chaque producteur doit être engagé dans un mode de production vertueux (ACS, bio, HVE, Iso 14001…), et la traçabilité est totale. « On retrouve sur chaque sachet qui produit, où et comment, ce qui est parfois un casse-tête logistique ! », reconnaît Christian. « C’est un peu un modèle coopératif, où les outils sont mutualisés, mais sans engagement, et que je porte seul. » L’agriculteur a été soutenu financièrement par son département, la Région Île-de-France et l’Europe. « Si on additionne tous les travaux, on arrive à presque 1,5 million d’euros », calcule-t-il.

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